Le pouvoir du toucher : la connexion corps-esprit pour une meilleure santé mentale

Le pouvoir du toucher : la connexion corps-esprit pour une meilleure santé mentale

Inspirée par son travail dans un orphelinat en Roumanie, le Dr Katalin Gothard a souhaité comprendre comment le cerveau interprète les aspects sociaux, émotionnels et physiques du toucher. A travers une étude, elle a souhaité comprendre comment les sensations et les expériences physiques affectent nos émotions et nous aider à être heureux… 

Le point de départ de l’étude sur la connexion corps-esprit

La connexion physique est essentielle à notre développement, à notre croissance et à notre survie tout au long de la vie. D’ailleurs, les humains naissent puis vivent avec le langage du toucher. Un bébé, dès sa naissance, a besoin de l’étreinte protectrice d’un parent ou d’un tuteur pour se développer pleinement, acquérir la confiance et établir des liens. 

Le Dr Katalin Gothard, professeur de physiologie à Université d’Arizona (Etats-Unis)  et membre de l’Institut universitaire BIO5 en Arizona, né et formé en tant que médecin en Roumanie, a interagi avec des nourrissons qui manquaient de ce lien physique tout en s’entraînant dans un orphelinat pendant son stage pédiatrique. 

En raison des politiques dictatoriales en Roumanie, de nombreux orphelinats regorgeaient de bébés non désirés alors qu’ils souffraient d’un manque de fonds et de personnel. En raison de la rareté des ressources et de l’objectif de maintenir les enfants en vie, les travailleurs ont donné la priorité aux besoins médicaux tels que la prévention de la malnutrition et des infections.

Même si le personnel et le Dr Katalin Gothard ont fait de leur mieux pour garder les enfants en bonne santé physique, Gothard n’a pas réellement compris l’impact que le manque de contact aurait sur les orphelins jusqu’à ce qu’elle commence à étudier la connexion corps-esprit en tant que scientifique aux États-Unis.

« Il n’y a pas de maladie physique comparable au désespoir d’une maladie mentale »

Selon le Dr Katalin Gothard :

Tous ces antibiotiques et toute cette nutrition ne les rendaient pas des adultes plus heureux. Les ramasser, les tenir et les chatouiller auraient été bien plus important. Je crois fermement qu’il n’y a pas de souffrance humaine comparable à la souffrance que notre propre esprit peut nous infliger. Il n’y a pas de maladie physique comparable à la douleur, à la misère et au désespoir d’une maladie mentale.

Bien qu’initialement formé en tant que médecin, le Dr Katalin Gothard a également été formé en tant que neuroscientifique. Observer le bilan des difficultés mentales et émotionnelles causées en partie par le régime oppressif en Roumanie l’a incité à changer de carrière, passant de la médecine à la science.

Elle  se consacre désormais à comprendre comment les sensations et les expériences physiques affectent nos émotions. Depuis plus de 20 ans, le médecin devenu scientifique s’est concentré sur l’amygdale, la masse en forme d’amande dans le cerveau, en tant que centre critique de ce dialogue corps-esprit.

En 2019, avec ses collègues, elle avait d’ailleurs découvert des cellules de l’amygdale qui répondaient non seulement aux images et aux sons, mais également au toucher – des résultats qui n’avaient jamais été montré auparavant.

Au moment de la découverte, Gothard s’est souvenu de ses premiers jours à l’orphelinat en Roumanie et a souhaité enquêter sur ces cellules cérébrales sensibles au toucher. Son équipe de chercheurs avait auparavant trouvé des cellules qui réagissent au toucher, et c’était irrésistible. Cela a été le déclic pour travailler sur un sujet qui la ramène à ces années à l’orphelinat quand elle était simple médecin, et qu’elle ne savait pas enore de quoi ces bébés avaient-ils vraiment besoin à l’époque.

Comment le corps et les émotions réagissent-ils au toucher ?

Bien que nous sachions qu’une poignée de main forme une connexion, qu’un câlin apporte du réconfort et qu’un toucher d’un étranger met mal à l’aise, les scientifiques et les médecins doivent encore déterminer les mécanismes neuronaux derrière ces processus corps-esprit. Ils ont donc cherché à comprendre comment le cerveau interprète les déterminants sociaux, émotionnels et physiques du toucher.

Le laboratoire de Gothard a examiné les différences d’activité cérébrale entre une douce caresse sur la joue et une bouffée d’air embêtante sur le front. Les chercheurs ont observé que la réponse aux aspects physiques du toucher – quand et où – se produit beaucoup plus rapidement que la réponse aux composants émotionnels et sociaux, par exemple si le toucher était agréable ou provenait d’une personne familière.

Ils ont également comparé les influences des divers paramètres tactiles sur l’état émotionnel. Selon les résultats, bien que les paramètres objectifs du toucher soient traités en premier, les aspects sociaux étaient plus importants pour influencer l’activité de l’amygdale et les états émotionnels résultants.

Selon Gothard :

Si vous recevez une douce caresse de la part d’une personne qui n’est pas la bienvenue – même si la pression sur votre peau, la vitesse de balayage, la température de la main peuvent être exactement la même qu’un contact bienvenu – votre amygdale dira : ‘pas comme ça’.

Avec ces découvertes, Gothard a découvert deux principaux  points :

  • Les conséquences émotionnelles et sociales du toucher, combinées à nos attentes, surpassaient le physique ;
  • La fréquence cardiaque du receveur au moment du toucher était corrélée à la réponse émotionnelle : lorsque le toucher était une expérience positive, la fréquence cardiaque et l’activité de l’amygdale ralentissaient, mais lorsque le toucher était négatif, la fréquence cardiaque et l’activité de l’amygdale augmentaient toutes les deux.

Elle vise maintenant à trouver le lien entre le toucher et les changements de marqueurs dans le corps, y compris la fréquence cardiaque, car ce facteur causal pourrait également être le lien direct entre le toucher et les modifications des circuits de l’amygdale.

Plus nous comprenons le cerveau, plus nous devenons humbles sur le peu de perspicacité que nous avons sur ce qui se passe à l’intérieur de cette boîte crânienne sombre, dit-elle.

Les impacts de la Covid-19 sur la santé mentale

Le Dr Katalin Gothard espère que son travail informera un jour non seulement la manière dont les hommes traitent normalement le toucher, mais aussi comment ces circuits peuvent dysfonctionner chez les personnes atteintes de maladie mentale telles que l’anxiété sociale ou la schizophrénie, dans lesquelles la réponse au toucher est plus complexe. La recherche peut également aider à expliquer comment un manque de contact pendant la petite enfance – comme celui des orphelins – conduit à des troubles de l’attachement plus tard dans la vie.

Les études du Dr sont également très bien valables dans la crise sanitaire actuelle, où la pandémie COVID-19 limite, voire prive de tout contact physique en raison des restrictions sanitaires. Bien qu’elle respecte les recommandations de distanciation sociale pour atténuer la propagation de la maladie, elle estime que l’isolement social pendant la pandémie aura des conséquences majeures et durables sur la santé mentale.

Nous sommes au milieu de l’incertitude. Ce que vous voulez au milieu de l’incertitude, c’est un câlin, mais vous ne pouvez pas le faire pour le moment.

Étant donné que le contact physique est actuellement rare, en particulier pour les personnes âgées, les étudiants, et pour celles qui vivent seules, il est important de trouver des moyens de calmer le désir du cerveau pour le toucher.

Elle recommande par exemple de masser le cuir chevelu au moment de se laver les cheveux ou de stimuler le corps par des mouvements physiques, l’auto-câlinage, et de l’exercice au soleil. Les exercices de connexion esprit-corps, tels que ceux qui sont souvent pratiqués dans le yoga et d’autres pratiques de pleine conscience, peuvent également aider à remplacer le toucher physique.

Bien évidemment, bien que ces substituts aident à répondre au besoin de connexion physique, ils ne peuvent pas remplacer complètement le langage du toucher pour lequel nous sommes nés pour donner et recevoir.

Source : The Univertsity of Arizona

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